mardi 12 mars 2013

Cloud Atlas

Bon, il faut que je l'écrive maintenant, à chaud, sinon je vais laisser ça derrière moi.


Quand j'ai entendu parler du projet Cloud Atlas, il était présenté comme "l'impossible adaptation du roman de David Mitchell". Le dit roman était dans les rayons de la bibliothèque où je bossais, et mon attrait pour son sujet fut immense dès le départ (j'ai une grande attirance sur les occurrences dans le monde, les choses qui se répètent, le destin, tout ça). Mais je laissais ça de côté, surtout par obligation professionnelle.

Puis le livre est sorti en poche, et je décidais, l'été dernier, de m'en saisir, avec la sortie du film qui approchait. Mais encore retenu par mes lectures "obligatoires" (certes plaisantes), je remettais le pavé à plus tard. La mauvaise volonté d'un distributeur me sauvait, en repoussant la sortie française à Mars. Je lirai donc Cartographie des nuages avant le film (sachant qu'il m'est impossible de lire un livre après avoir vu le film, l'impression que mon imaginaire ne peut plus coller de visages sur les héros, d'être enfermé dans la lecture de quelqu'un d'autre...).


J'ai mis le temps (il faut dire que c'est du lourd), mais je finis conquis par un roman qui par ses multiples niveaux, genres, tons, était un miracle en soi, et je ne pouvais qu'attendre en haute estime le film des Wachowski et Tykwer, d'autant que mes camarades l'avaient énormément appréciés au dernier festival de Gérardmer.

L'attente fut récompensée, au centuple. Car non seulement l'adaptation est juste, mais elle est même enrichie, dans ses changements, par un grand nombre d'éléments absents du livre.


Comme le souligne la critique de filmdeculte, les références cinématographiques, à peine voilées, sont multiples et font échos aux références littéraires du livre. Elle crée du lien, encore plus de liens, entre les histoires (Cavendish s'évadant de sa maison de retraite hurlant les paroles de Soleil Vert, détail génial).

Si dans certaines tournures (on pense à la réécriture quasi totale de l'histoire de Sonmi), on a certes un peu perdu au passage, l'histoire de Frobisher, elle, n'en devient que plus forte, plus riche. Le désespoir et l'amour éperdu du héros, plus fort ici, en font l'épisode le plus émouvant du film, le plus génial. Et on ne peut, en passant, que rappeler à quel point Ben Whishaw est un immense acteur.


C'est un autre élément de réjouissance du film: les comédiens. En usant du maquillage pour leur donner à chacun une place dans le récit de l'autre, on s'émerveille aussi de voir les comédiens articuler des personnages différents, les reconnaître sous les traits, et voir par là même les répétitions d'erreurs, les oppresseurs, l'avarice, ceux qui auront à coeur de sauver un autre, par un geste ou un sacrifice. Les ponts entre les histoires n'en sont que plus jubilatoire (il suffit d'évaluer le personnage de Tom Hanks au fil des histoires pour en observer la trame, du crime à la rédemption). Et puis quel coup de génie d'aller trouver tous ces comédiens et notamment d'offrir un renouveau frais dans la carrière de vieux briscards comme Hanks ou Hugh Grant (méconnaissable), un peu trop cantonnés dans leurs habitudes. Et de jouer aussi sur les races, les genres, pour mieux montrer une unité face au destin, à l'Histoire, où chacun ne se distingue que par ses actions, et non sa nature ou ses origines.


Mais surtout, l'une des forces du film, c'est sa musique. Ce thème musicale, le Cloud Atlas, qui parcoure la narration, fait s’entremêler les histoire, comme une connexion à l'infini où tout le monde, à travers le temps, se parle, s'étonne ou s'effraie pour l'autre. La musique du film, éblouissante, participe à la maestria de l'ensemble, lui donne le ton, l'objectif (je pense qu'aucune séquence de cinéma cette année n'égalera le long montage sur "All Boundaries are Convention" (spoilers)). Et ce montage fou, hystérique, qui épouse la narration, qui joue de cette union musicale, là où le roman s'articulait plus sagement dans un crescendo (certes extrêmement intéressant dans sa construction, mais beaucoup moins fort que ce qui l'image permettait d'accomplir).


Cloud Atlas, comme le roman de David Mitchell, parle du destin, de la répercussion dans le temps, dans la vie des autres, de nos actions, bonnes ou mauvaises. Il parle simplement de l'histoire, qui se répète, des erreurs qui reviennent, de la nature humaine qui compile tant de contradictions. Voilà un film qui prétend à cela et qui y parvient, à sa manière. 

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